Fait Maison [DU 03/03 AU 29/04/2017]

Le 116 est ici considéré avant tout comme une maison, les œuvres de la Collection départementale d’art contemporain y prenant place tels des meubles, des objets fonctionnels, usuels. Mais ce n’est pas une maison comme les autres, meubles et objets ne sont pas utilisables tels quels, loin s’en faut. Pourtant, tout y passe ou presque : verres, vaisselle, fruits, fleurs, télévision, rideaux en dentelle, banc, masques africains, coiffeuse, babioles, mappemonde, outils… Les éléments familiers que l’on trouve généralement dans un intérieur sont là, mais leur processus de fabrication est souvent surprenant, toujours décalé, relevant du geste de l’artisan ou du détournement de produits manufacturés.

La question du geste est au cœur de l’exposition. En effet, depuis Marcel Duchamp et l’invention de la pratique du « ready made »1, le rapport aux savoir-faire est interrogé par les artistes contemporains. La question du geste, de sa technicité, de sa place dans le processus de création est un sujet régulièrement soulevé. Certains n’hésitent pas à faire appel à des savoir-faire extérieurs pour réaliser leur projet, comme ici Joël Ducorroy qui revendique de travailler en costume dans un bureau, loin de la térébenthine et de la poussière des ateliers d’antan, ou encore Franck Scurti qui, en bon artiste « matérialiste conceptuel 2 » sollicite des techniques particulières pour chacune de ses œuvres, ici un processus de thermo-moulage sur des sculptures africaines.

D’autres conservent une relation forte au « métier » comme Johan Creten avec la céramique, Hélène Mugot et le travail du métal, ou encore Françoise Vergier et la maîtrise du bois.

Une troisième catégorie d’artistes navigue entre ces deux postures. Ils aiment « bricoler » des objets préexistants, leur geste les déplace, en modifie l’usage comme le sens. Édouard Sautai transforme ainsi de la vaisselle ordinaire en toupies, Michel Aubry compose à partir de flûtes sardes des objets en référence aux mythes de la modernité, ou encore Nam June Paik symbolise, via ses téléviseurs, la mondialisation des échanges. Chaque objet est choisi par l’artiste pour l’épaisseur singulière qu’il revêt à ses yeux et son geste nous fait partager cette poésie de l’ordinaire.

Cette exposition s’inscrit dans une étroite collaboration avec la Ville de Montreuil dans le cadre d’une convention de coopération culturelle. Elle prend place dans la manifestation annuelle des Journées Européennes des Métiers d’Art et entre en résonnance avec la résidence d’Alexandra Sá portée par le 116 et soutenue par le Département en 2017.

1 Objet trouvé « already-made », déjà fait, auquel le geste de l’artiste (choix et signature) confère le statut d’œuvre d’art. Le premier objet que Marcel Duchamp considère comme un véritable ready-made est le Porte-bouteilles, qu’il a choisi en 1914 au Bazar de l’Hôtel de Ville de Paris.
2 Arte Créative, article consacré à Franck Scurti,2011. http://creative.arte.tv/fr/episode/franck-scurti-ou-le-materialiste-conceptuel.

 

L’EXPOSITION AU 116

 

 Michel AUBRY

« Aubry, © Adagp, Paris 2017 »

Collection départementale d’art contemporain

Michel Aubry questionne les cultures traditionnelles - leur persistance et leur transmission - ainsi que la manière dont peuvent évoluer toutes les formes d’art, du passé au présent, de l’Orient à l’Occident. Il s’intéresse aux objets appartenant au domaine des arts appliqués (vêtement, mobilier), d’époques et de contrées très variées. Dans ses œuvres, il recourt tant aux techniques artisanales (marqueterie, tissage, gravure, moulage) qu’aux moyens les plus récents (images numérisées, Internet). Sa démarche artistique rend hommage à toutes les cultures, notamment à celles en voie de disparition. Elle souligne les échanges, les mélanges, les brassages, qui s’effectuent tant dans l’art que dans la vie ; ce faisant, elle apparaît comme une lecture politique du monde. Dans le cadre de ses recherches autour des launeddas*, Michel Aubry a conçu une codification mathématique dans laquelle chaque hauteur de ton correspond à une longueur métrique spécifique. * instrument à vent traditionnel (Sardaigne)
Les sculptures conçues par l’artiste s’inscrivent ainsi à la croisée des arts plastiques et de la musique. Il nourrit leur potentiel sonore par des références constantes à l’histoire de l’art, tel la Mise en musique du pantalon de Beuys et la Mise en musique de la chaise de Gerritt Rietveld** ». On se rappelle que Joseph Beuys - figure majeure de l’art du XXe siècle - fut pilote de chasse pendant la Seconde Guerre mondiale, et qu’il raconte s’être écrasé en Crimée, aux commandes de son avion, épisode qui a profondément marqué sa vie. En 1943, année du crash de Beuys, les pilotes allemands portaient un pantalon identique à celui chiné par Michel Aubry. Ici, il est porteur de dix tubes anchés, qui le structurent et le transforment en instrument de musique improbable. Dans la Mise en musique de la chaise de Gerritt Rietveld, l’ossature même de l’objet est constituée par des cannes de Sardaigne, rendant impossible la fonction d’assise de l’objet, qui devient une sculpture poétique et fragile.
** représentatif du mouvement hollandais De Stijl, créateur en 1918 de la célèbre chaise réduite à ses éléments structuraux et peinte de couleurs primaires

« Michel Aubry©Michel Aubry »

Collection départementale d’art contemporain

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 Valérie BELIN

« Valérie Belin, Sans titre # 94030807 © Adagp, Paris 2017 »

 
Collection départementale d’art contemporain

Valérie Belin affirme ce qu’elle doit à la peinture ancienne, à l’art de la nature morte ou du portrait mais également à l’influence d’Eugène Atget et Man Ray sur sa pratique de la photographie. Elle travaille par séries de grand format construites autour d’un même sujet : vases, animaux, mannequins, moteurs, etc. Quel que soit le motif, ses photographies jouent sur une mise à distance du réel en procédant selon un protocole rigoureux : une prise de vue, sans effet de perspective ou de profondeur, très rapprochée, sans décor, avec une lumière ambiante lisse. Cela confère à ses images un style tout à fait singulier, ni documentaire ni expressionniste, qui frappe par la densité de la présence des objets ou des sujets représentés, tels ici ceux soufflés dans un précieux cristal. Cherchant « à saisir l’instant du passage entre vie et mort, présence et absence, dans des matières luxueuses, de reflets et de vide... » Son art suscite la métamorphose du sujet et ouvre le regard sur un monde étrange et fabuleux niché dans notre environnement quotidien.

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 Grégoire BERGERET

« Grégoire Bergeret, Les verres à pied © Grégoire Bergerett »
 

Collection départementale d’art contemporain

Grégoire Bergeret se situe dans la lignée des artistes expérimentateurs, qui jouent à contrarier des forces par d’autres forces.

En 2006, la photographie Verre d’eau s’inscrit dans une approche sensible du cinéma expérimental des années 1920. Il s’agit de jeter un regard nouveau sur un objet banal. La transparence du matériau ainsi que celle de l’eau se mêlent en générant des effets optiques : reflets, déformations, jeux de lumière et d’ombre.

L’œuvre vidéographique Les verres à pied procède d’un tour de magie : de façon hypnotique, un verre tourne sur un disque et se transforme sans que l’on ne saisisse jamais la marque du montage dans l’image. Les formes des différents verres se fondent les unes dans les autres, en boucle infinie. L’objet « verre » acquiert une liquidité inhabituelle, rassemblant curieusement son procédé de fabrication (la fonte du silicium) et son contenu attendu (l’eau).

C’est une œuvre de sculpteur, citant ainsi le tour du potier, mais aussi de photographe s’intéressant à la lumière et à ses processus de réflexion sur la matière.

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 Matali CRASSET

« Matali Grasset, Expended bench © Adagp, Paris 2017 »

 

Collection départementale d’art contemporain

Matali Crasset, designer industriel de formation, envisage le design comme une recherche. Sa méthodologie est faite d’observations des pratiques ordinaires et de remises en cause des principes. Un de ses premiers projets, Quand Jim monte à Paris (1995), illustre bien sa démarche : elle développe de nouvelles typologies articulées autour de principes tels que la modularité, la flexibilité, la générosité, l’hospitalité…

Son travail, qui s’est imposé dans les années 1990 comme le refus de la forme pure, interroge notre cadre de vie pour en faire un espace de mobilité et d’expérimentation. Elle collabore avec des acteurs variés, aussi bien l’artisan qui souhaite faire évoluer sa pratique, le particulier en quête d’un nouveau scénario de vie domestique, l’industriel prêt à expérimenter ou l’hôtelier qui veut développer un nouveau concept (Hi Hotel à Nice).

Expended bench a été conçu pour l’exposition Le Temps déborde au Forum du Blanc-Mesnil par le Département de la Seine-Saint-Denis en 2000.

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 Johan CRETEN

« Johan Creten, Madame Butterfly © Adagp, Paris 2017 »

 

Collection départementale d’art contemporain

Élaborées à partir de dessins, les sculptures de Johan Creten font appel à une technique bien particulière que nombre d’artistes contemporains redécouvrent aujourd’hui, la terre cuite émaillée. Cette technique classifiée comme « artisanale » a été longtemps bannie du champ des arts dits nobles. Creten se sert, a contrario, de toutes les capacités intrinsèques véhiculées par cette technique pour produire des formes fantastiques où se mêlent séduction et répulsion, robustesse et fragilité, réalité et imaginaire. Si son registre privilégie les animaux (aigle, coq, singe, grenouille…), ces derniers bénéficient d’un traitement ambigu, mi-hommes, mi-bêtes. Ainsi, les formes - modelées dans l’argile - se parent de couleurs (émaux, oxydes, glacis, badigeons, coulures, empâtements) ; elles se couvrent d’une myriade de reliefs végétaux ou animaux (pétales de roses, papillons, oiseaux). Ces reliefs surajoutés transforment le sens et les objets initiaux, tels les fragiles pétales jaunes parsemant les deux battes de base-ball de Madame Butterfly.

 

 Hélène DELPRAT

« Hélène Delprat, Étude pour Lunaire © Adagp, Paris 2017 »

 

Collection départementale d’art contemporain

Dès l’enfance, Hélène Delprat a réalisé des « boîtes pour rien », petites mises en scène de personnages découpés préfigurant son travail d’aujourd’hui. Les sources iconographiques auxquelles elle se réfère proviennent tant de personnages liés à l’enfance que d’une culture classique empruntée aux livres d’art décoratif, à la mosaïque mais aussi à l’orfèvrerie : « J’emprunte des éléments puisés à des sources différentes et je m’approprie les choses. Dessiner dans les musées me permet de fixer la mémoire par des notes que je réutilise ensuite ». Le monde d’images qu’elle compose est « un monde un peu merveilleux, sans que ce soit forcément un conte de fées » dit-elle.

Dans ce travail de découpage, on retrouve à la fois un bestiaire et une vision de la nature qui ne sont pas sans rappeler les enluminures portées autour des lettrines dans les livres d’heures au Moyen Âge mais aussi les parterres de broderies composés pour orner les parcs et jardins au XVIIe siècle. L’ombre et la lumière naissent du découpage de splendides entrelacs. Ici, elle propose un jeu entre le plein et le vide, la transparence et la disparition.

 

 Pierre DI SCIULLO

« Pierre Di Sciullo, Table d’orientation : carte généalogique © Droits réservés »

 

Collection départementale d’art contemporain

Le graphisme est pour Pierre di Sciullo un moyen d’exprimer sa vision du monde, d’agir au quotidien en proposant des repères visuels urbains. Ces repères peuvent prendre la forme d’une signalétique publique ou de typographies liées aux nouveaux modes d’expression. Il a ainsi inventé L’Amanar, une version numérique de l’alphabet Touareg.

Table d’orientation : carte généalogique, ainsi que trois autres œuvres de la même série, ont été créées à l’occasion de l’édition 2006 de la biennale Art Grandeur Nature où elles prenaient place au centre des carrefours piétonniers de la Cité Pierre-Sémard du Blanc-Mesnil. Elle représente la généalogie des résidents et a impliqué la contribution active de plusieurs d’entre eux qui, transformés en enquêteurs, ont collecté et transmis les informations nécessaires à sa réalisation. Cette carte généalogique s’inspire du système de représentation du monde mis au point par Buckminster Fuller* pour éviter tout centralisme géoculturel. Derrière la géographie du planisphère et sous l’aspect neutre d’un graphisme d’information, l’artiste révèle des récits d’aventures familiales et individuelles. Il rend visibles des pans d’histoire.

*Richard Buckminster Fuller est un architecte américain (1895 -1983) attaché à de nombreuses inventions dont un plan de projection alternative, appelé la carte Dymaxion qui permet de montrer les continents de la Terre avec un minimum de distorsion lors de la projection ou de l’impression sur une surface plane.

 

 Joël DUCORROY

« Joel Ducorroy, Planisphère © Adagp, Paris 2017 »

 

Collection départementale d’art contemporain

Cet artiste entretient un drôle de rapport au monde. Les plaques de métal embouti sont l’unique et quasi exclusif matériau de sa création. Délaissant les attributs habituels de l’artiste (pinceaux, peinture, atelier, etc), Joël Ducorroy porte costume et cravate et passe des commandes à des artisans. « Je désire nommer les choses qui nous entourent » dit l’artiste. Il s’y applique de façon littérale en détournant la technique des plaques minéralogiques pour mener à bien son projet. Son œuvre travaille l’articulation fondamentale entre le mot (signe graphique) et l’image (mentale). Dans Planisphère, les mots désignent et définissent l’emplacement des continents, des îles, des États ... Invitation faite à chacun d’additionner ce qui est donné par l’artiste et ses propres références pour faire naître des images. Poursuivant un goût de la perfection, ses plaques sont à la fois toutes semblables et toutes différentes. Elles font surgir un écart poétique en provoquant à chaque fois l’ouverture d’un espace mental propre à chaque regardeur, donc nécessairement singulier. Sous la double influence de Marcel Duchamp (refus d’utiliser la peinture, recours à l’objet ready-made) et de l’art minimal américain (rigueur formelle). Joël Ducorroy poursuit une œuvre ténue et exigeante.

 

 Pascal KERN

« Pascal Kern, Nature © droits réservés »

 

Collection départementale d’art contemporain

Pascal Kern utilise la photographie pour nous entretenir de la sculpture. Il traite du volume, de la répartition de la lumière, de la variation de la couleur. L’artiste travaille d’abord avec l’empreinte des choses dans la matière, ici le moulage de courges dans du plâtre recouvert de pigment. La prise de vue photographique vient ensuite renverser la perception, transformant en plein ce qui est en creux, le contenu (le pigment) devenant contenant (la forme du fruit). Paradoxe de la représentation, la photographie Nature transforme le visible procédant d’une préoccupation de sculpteur et d’un geste de peintre.

Le sujet évoque les fruits des natures mortes anciennes, le cadre est une sorte de coffrage assez brut, pourtant l’œuvre dégage une relative préciosité renforcée par la richesse lumineuse du tirage cibachrome et l’articulation en triptyque. Pascal Kern jouait sans cesse des oppositions, des jeux de contraste, des effets d’échelle pour créer une œuvre à la fois monumentale et modeste.

 

 Hélène MUGOT

« Hélène Mugot © Adagp, Paris 2017 »

 

Collection départementale d’art contemporain

S’appuyant sur l’astronomie et l’astrophysique mais aussi sur des textes philosophiques, les œuvres d’Hélène Mugot construisent des liens entre les humains, la nature et le cosmos. À la relation conflictuelle des occidentaux à la nature, l’artiste oppose le ressenti premier et vital, face à un univers en perpétuel mouvement. Elle s’intéresse à l’exploration du monde par les sciences, antiques ou actuelles. Mais là où le scientifique met au défi son intuition pour apporter la preuve de son hypothèse, l’artiste recherche plutôt la justesse de la forme qu’elle propose en partage à ses contemporains.

L’Une installe une passerelle entre rigueur scientifique et intuition poétique. Ici, sur douze disques se dessine l’ombre noire des phases successives de la lune. Le titre joue sur l’identité sonore produite entre le nom de l’astre de la nuit et le pronom indéfini féminin (Lune, L’une). Gravés dans le métal les mots l’une et l’autre condensent l’entièreté du cycle. Cette organisation linéaire des phases successives d’une lunaison invite à une perception globale du monde entre lumière et obscurité, entre brillance et matité, entre plein et vide.

 

 Dennis OPPENHEIM

« Dennis Oppenheim, Tar Roses / © Dennis Oppenheim »

 

Collection départementale d’art contemporain

Dennis Oppenheim est un artiste américain majeur du XXe qui a travaillé dans une démarche de Land Art (œuvre dans et avec le paysage) mais également directement avec son corps comme le font les artistes estampillés Body Art. Il cherchait à établir un dialogue entre l’artificiel et le naturel dans des interventions spectaculaires et souvent insolites. C’est chose faite avec cette « rose de bitume » installée dans le Parc de La Courneuve dans le cadre de la biennale Art Grandeur Nature en 2000. « Ce nom, explique Dennis Oppenheim, évoque la création d’une forme organique issue de la nature, celle de la rose, avec des matériaux synthétiques... C’est une sculpture pour le paysage urbain, pour le cœur de la cité avec sa densité et son intensité brûlante ».
Elle était alors présentée dans toute son artificialité, avec sept autres spécimens de son espèce. Jouant de l’attachement que l’on porte à cette fleur dans de nombreuses cultures, l’œuvre s’inscrit dans la tradition de l’art des jardins, à la fois décorative, ludique et source de réflexion sur les relations des humains à la nature.

 

 Nam June PAIK

« Nam June Paik, T.V Story Board © Estate of Nam June Paik »

 

Collection départementale d’art contemporain

Nam June Paik quitte la Corée en 1949 et étudie d’abord l’esthétique et l’histoire de l’art à l’université de Tokyo. Il s’installe ensuite en Allemagne où il rencontre les musiciens Stockausen et John Cage. Il réalise alors différentes expériences de musique électro-acoustique puis participe aux concerts Fluxus* au cours desquels il associe performance et musique, puis des images vidéo.

Au moyen d’une technique de plus en plus sophistiquée (colorisateur, synthétiseur d’images…), Paik travaille la matière même de l’image vidéo et provoque zébrures, clignotements, distorsions dans des installations composées de postes de télévision.

Cette série de dix eaux fortes est à lire comme des « arrêts sur images ». Chacune d’elle fait référence à une performance ou à un film de Paik. Un certain nombre de ces images (Zen Itsn,
I-Ching/Et-Ching, Rosetta Stone, Etching on Etching) joue de l’ambiguïté entre lettres, images et idéogrammes en faisant allusion aux « brouillages » télévisuels.

*Le courant Fluxus apparaît en 1961 à Düsseldorf, à la suite des expérimentations du compositeur américain John Cage et sous l’impulsion de John Maciunas. Il prend rapidement une ampleur internationale, entre les USA et l’Europe.

Family Photo Declassified est, à l’origine une photo où ne figurent que des femmes de la famille de Paik. Sa mère est celle qui porte le chapeau. La place de son sexe est marquée d’un O barré : ce sigle est le signe personnel de Paik. Mais c’est aussi, en mathématique le signe de l’ensemble vide…

La forme des télévisions anciennes traduit l’idée de circulation des signes et de la diversité des langages, qu’ils soient linguistiques, symboliques, musicaux… propres aux technologies de l’information les plus actuelles.

Série de dix eaux fortes,1984

"Family Photo Declassified",
"1984 Invaders",
"Life As No Rewind Button",
"Li Tai Po Color Barred",
"Zen Itsn",
"I Ching/Et-ching",
"Rosetta Stone",
"Etching on Etching",
"TV Story Board",
"Time Runs/Tape Runs".

« Fichier numérique : 3B05350 3250x2762 © Estate of Nam June Paik »

 

 Alexandra SÁ

« © Yannick Maury »

 

Collection départementale d’art contemporain

Alexandra Sá développe un travail artistique qui instaure des situations singulières d’appropriation de l’espace, qu’il soit public, artistique, familier, quotidien.
Sa résidence au 116 Centre d’art contemporain - projet exTend ed - lui donne la possibilité d’élargir sa réflexion en invitant des artistes et des commissaires d’exposition à réagir à ses œuvres. Les notions d’accueil, de collaboration sont questionnées et activées ponctuellement dans plusieurs lieux liés au centre d’art : le square Denise Buisson, adjacent au 116, la « volière », la salle de résidence, mais également les espaces de l’exposition Fait maison.

« Pour moi comme pour de nombreux artistes, la question d’une œuvre praticable peut se poser. Il est envisageable qu’une œuvre puisse devenir une surface d’accueil, une œuvre-lieu, ou encore une œuvre essayée, pratiquée par un public, des artistes, des acteurs ou des performeurs. Les artistes sensibles à de tels concepts sont souvent proches d’autres disciplines comme l’architecture, le design, la danse, la performance, ils peuvent avoir une pratique de commissaire d’exposition, ou encore, mêlent intrinsèquement leur production à celles d’autres artistes. La notion d’échange y est centrale. »

« Mon travail est un travail de situation souvent motivé par les caractéristiques d’un lieu choisi ou proposé, mais aussi par certaines notions, certains comportements normatifs de nos sociétés contemporaines amenés à être questionnés, réinterprétés, en créant des décalages. J’en expose ma lecture par des actions, des vidéos, des photos et différents supports, privilégiant l’ostensible au spectaculaire. Plusieurs travaux sont sauvages et voués à une présence éphémère, voir temporaire, plus rarement permanente. Ils produisent un léger désordre, provoquant de nouvelles images en intégrant le quotidien. D’autres sont réalisés dans le cadre d’expositions, et conçus pour être "vécus" par le public. Celui-ci, plutôt spectateur, peut aussi en être le déclencheur, faisant par là même partie intégrante de l’œuvre. »

« Alexandra Sá 2016 © alexandrasa.fr »
 
Réalisée dans le cadre de sa résidence artistique au 116 Centre d’art contemporain, cette sculpture/banc fait partie du projet exTend ed qui se développera jusqu’en avril 2017, avec d’autres œuvres et des invitations à d’autres artistes.

 

 Wade SAUNDERS

« Wade Saunders, Illumination / © droits réservés »

 

Collection départementale d’art contemporain

L’œuvre de Wade Saunders, artiste d’origine américaine installé en France, témoigne d’une démarche généreuse, au cœur de laquelle résident les notions de découverte, d’expérimentation et d’altérité. Sa sculpture, prolifique, se distingue par la variété de son vocabulaire formel constamment enrichi de nouvelles techniques et de matériaux différents.
Wade Saunders aborde l’art en voyageur. Ses travaux naissent de ses séjours à l’étranger, dans la confrontation à d’autres arts et à d’autres civilisations. L’Inde du sud, où il effectua plusieurs longs séjours, fut à l’origine de nombreux développements de sa recherche plastique. Pour lui, « l’art doit être ancré dans le lieu de sa conception », supposant – outre la considération de la culture d’accueil – une prise en compte du territoire et de ses spécificités, notamment en terme de production. Cet intérêt réel et profond pour les pays où il séjourne se traduit principalement par une étroite collaboration avec les artisans locaux auxquels il fait régulièrement appel pour la réalisation de ses pièces. Ceux-ci ne sont jamais considérés comme de simples exécutants mais participent pleinement au processus créateur.

Il découle de cet attrait pour l’ailleurs une subtile alchimie entre le familier et le lointain, l’Occident et l’Orient, mais aussi entre l’art et l’artisanat. Les influences se côtoient, mettant en lumière les complémentarités plus que les différences, dans une vision spiritualiste du monde. Illumination est en ce sens, emblématique du travail de Saunders. L’œuvre se compose de deux éléments : une sculpture-arbre dont les fruits ainsi que le caractère érectile évoquent à la fois l’abondance et la fertilité, le masculin et le féminin ; et une petite pièce de broderie, réalisée dans un atelier de Pondichéry, dont le motif, répété en négatif et en positif, rappelle la main de Fatma, expression de la divine protection dans l’Islam. Alliant chacun des contraires – le naturel et l’artefact, le viscéral et le spirituel –, les deux objets dessinent ensemble une cosmologie où se résolvent les oppositions.
[Marie Cantos]

« Wade Saunders, Illumination / © droits réservés »

Collection départementale d’art contemporain
 

 

 Édouard SAUTAI

« Édouard Sautai, Archéologie giratoire, 1994-2005 © François Poivret »

 

Collection départementale d’art contemporain

Édouard Sautai construit des formes reconnaissables mais dont le surdi-mensionnement rappelle le monde de l’enfance (ballons, cabanes, toupies…) et qui s’inscrivent dans un jeu perpétuel entre vide et plein. Sa démarche artistique associe la sculpture à l’architecture et au design tout en soulignant le rapport de l’œuvre à l’espace, le contexte de présentation au public. Ses œuvres sont souvent porteuses d’une perfection et d’un savoir-faire technique.
Archéologie giratoire se compose de treize sculptures élaborées à partir d’objets manufacturés glanés dans des magasins d’occasions. Chaque sculpture est le fruit d’un assemblage d’éléments disparates (assiette, bol, tasse, saladier, coupelle…), d’une combinaison de formes (plates, cylindriques, bombées, creuses, rondes) et de matières (verre, plastique, céramique, métal).
Chacun sait qu’une toupie est un objet ludique tournant sur place et sur lui-même pour le simple plaisir du geste et du regard. Édouard Sautai souligne que le statut de l’art - tout autant que celui des objets - est sujet à perpétuelles remises en question. Pour lui, « l’artiste est celui qui fait » en modifiant les échelles de grandeur, en transformant le statut des objets, il agit sur notre perception du monde.

 Franck SCURTI

« Franck Scurti, White Memory © Adagp, Paris 2017 »

 

Collection départementale d’art contemporain

Franck Scurti s’attache à donner une forme plastique à des pensées ou des constats, nés de son observation du monde. Flâneur urbain, dans la tradition de Walter Benjamin ou de Raymond Hains, son œuvre peut relever parfois d’un réalisme poétique, comme, par exemple Les Reflets, représentations d’enseignes lumineuses urbaines figées dans un néon déformé. Ce sont des « signes familiers, que tout le monde connaît et qui permettent de comprendre qu’il s’agit d’un message sur le monde matériel d’aujourd’hui », déclare-t-il.
D’autres travaux prennent un tour plus critique comme, par exemple, la schématisation d’une partie de bonneteau sur les pages saumon du Figaro économique, où l’inscription « perdu » place le spectateur dans la situation désagréable du « pigeon », cible habituelle du bonimenteur.

Les masques de la série White Memory, sont également d’un ressort plus politique :

 Tu t’intéresses à la sculpture africaine, au masque ? demande le critique d’art Nicolas Bourriaud,
 Oh, pas vraiment, ce ne sont que des copies achetées aux puces… répond l’artiste

 Alors à l’histoire, la mémoire ?
 Oui, un peu. Je m’intéresse surtout à la spoliation…à la perte des modèles… à l’écart entre le modèle et la copie, au vide entre les deux… ces masques ont l’air fantomatiques, ils ont l’air frappé d’amnésie…

 Et leur surface blanche et lisse ? le blanc est associé au trou de mémoire…
 Le plastique est achrome. La matière vient se mouler à très haute température sur son modèle, prendre son empreinte et lui arracher ses moindres traces. Au final, ce sont des coquilles vides.

 Alors c’est une substitution !
 Non, c’est une révélation ! conclut l’artiste. »

Ce geste de moulage pourrait s’apparenter à un vol, copie non autorisée. Mais depuis bien longtemps déjà, l’original est copié et recopié et son aura, chère à Walter Benjamin, s’est évaporée. Pourtant, l’objet « masque africain » opère encore en tant que signe. Signe de l’Afrique, qu’elle soit exotique, ésotérique, terre des origines, selon les représentations de chacun. En relevant les contours, tel un masque mortuaire, d’un objet simulacre, ces masques, effectivement, révèlent quelque chose de l’histoire de l’art, de la circulation des signes, des gens et des marchandises…

« Franck Scurti, White Memory © Adagp, Paris 2017 »
 
Collection départementale d’art contemporain

 Ghislaine VAPPEREAU

« Ghislaine Vappereau, Mine de rien © Ghislaine Vappereau »
 

Collection départementale d’art contemporain

Ghislaine Vappereau est portée par un questionnement fondamental du principe de création, de perception et de mémoire. Elle a initié dans les années 90, une série intitulée Mine de rien. Composée de sculptures et de céramiques, celle-ci trouve sa genèse dans la forme racornie d’un fruit desséché - une simple mandarine - dont l’aspect conduisit Ghislaine Vappereau au constat d’une éclatante métamorphose qu’elle transcrivit par ces mots : « si peu reconnaissable et déjà matériau ». Une formule symptomatique de l’ensemble de sa démarche.

L’œuvre intitulée Mine de rien, datée de 1997, est à l’unisson de cette interrogation sur l’apparence du monde et l’indiscernable essence des choses qui caractérise la série de travaux à laquelle elle appartient. Avec ce chapeau métallique et cette tresse de grillage, elle évoque une drôle de silhouette, à moins que l’on préfère y voir une méduse…

Mais plus que la définition des objets et des formes, c’est la perception des équilibres, des masses et des textures que privilégie Ghislaine Vappereau. Elle propose une forme à la fois précise et ambiguë, mettant notre regard à l’épreuve, sollicitant notre imaginaire.

 Françoise VERGIER

« Françoise Vergier, Masculin © Adagp, Paris 2017 »
 

Collection départementale d’art contemporain

Peintre de formation, Françoise Vergier fait sculpter par les artisans les objets qu’elle dessine, puis les peint. À l’abri du monde et se référant souvent à l’histoire de l’art, son travail humble et précieux nous entretient du corps et de la féminité de manière troublante. Ses objets métaphoriques, réunissant des principes antagonistes (vie et mort, masculin et féminin, obscurité et dévoilement), déconcertent le regard.

Ses œuvres évoquent les objets fétichistes et les assemblages surréalistes dans lesquels les sens se télescopent pour ouvrir d’autres significations, au-delà du langage.

D’une grande beauté formelle, ses œuvres témoignent d’une recherche de l’élégance et du « beau métier ». Le poli, les volumes pleins et la couleur confèrent à ces sculptures-objets une grande sensualité.

Dans Masculin, l’abeille en bronze prisonnière sous le galbe du verre moulé évoque les vanités de la peinture classique chargées de rappeler au regardeur la fragilité de son existence. L’insecte traditionnellement peint prend ici corps en trois dimensions, mais sa fonction reste la même, fixer l’instant et démontrer la capacité de l’art à résister au passage du temps. Quant au titre, il reste mystérieux, où est le masculin, dans l’arrogance du bois bombé et quelle est la signification symbolique de l’abeille ?

 Commissariat : Commissariat : Jane Toussaint et Marine Clouet pour le 116, Ville de Montreuil ; Nathalie Lafforgue pour la Direction de la Culture, du Patrimoine, des Sports et des Loisirs, Département de la
Seine-Saint-Denis.

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Vernissage le jeudi 2 mars à 19h00

> Samedi 4 mars
À 17h : visite commentée de l’exposition
par un conférencier.

À 18h : Alexandra Sà, artiste en résidence au 116,
invite l’artiste Rémi Uchéda.

> Samedi 11 mars
À 17h : Alexandra Sá invite l’artiste Laeticia Gendre.

> Samedi 18 mars
À 17h :  : Alexandra Sá invite l’artiste Charlie Jeffery.

> Samedi 25 mars
À 14h30 : visite de l’exposition en langue des signes.
Sur réservation.
À 16h : Ta-Da atelier destiné aux personnes sourdes et malentendantes.
Sur réservation.
À 17h : Alexandra Sá invite l’artiste Ann Guillaume.

> Du Vendredi 31 Mars au Dimanche 2 Avril
« Les Journées Européennes des Métiers d’Art »
Depuis 2011, la Ville s’associe aux Journées
Européennes des Métiers d’Art pour valoriser
les artisans et créateurs d’art de plus en
plus nombreux à Montreuil, susciter des vocations et aller à la rencontre de ces talents.

> Samedi 1er Avril
À 16h : visite commentée de l’exposition par un conférencier.

> Dimanche 2 Avril
de 14h00 à 18h00
Ouverture exceptionnelle
de 14h à 18h
De 15h à 17h : Du papier découpé au popup !
atelier jeune public animé par l’artiste Ingrid Monchy.

> Du Samedi 8 au Samedi 15
Chantier habité et déménagement immobile
Restitution du projet Arthécimus imaginé par
Édouard Sautai avec les enfants des accueils de loisirs

> Samedi 22 Avril
À 14h :visite descriptive et tactile dans le noir.
Visite commentée de l’exposition ouverte au tout public et adaptée au public déficient visuel.
À 15h30 : Atelier terre, destiné aux personnes aveugles et malvoyantes. Sur réservation.
À 17h : Autour de la résidence d’Alexandra Sá, table ronde des pratiques collaboratives en art avec plusieurs invités, et présentation de l’édition accompagnant la résidence.

> Vendredi 28 Avril
À 14h :Mise en musique de l’exposition.
Carte blanche aux élèves du conservatoire de Montreuil.

> Samedi 29 Avril
À 17h :Finissage de la résidence d’Alexandra Sá avec ses invités.

Renseignements et Réservations :
Pour les groupes (associations, scolaires, accueils de loisirs...) :
prenez rendez-vous pour une visite commentée ou un atelier au 01 71 89 27 98.
www.montreuil.fr/culture/arts-visuels/le116
Le 116 – Centre d’art contemporain
116 rue de Paris
93100 Montreuil
Tél. : 01 71 89 28 00
contact116@montreuil.fr

INFOS PRATIQUES

Horaires d’ouverture
Ouvert du mercredi au vendredi de 14h à 18h et le samedi de
14h à 19h.
L’ensemble des expositions et activités du 116 sont accessibles gratuitement.

Accès :
Métro ligne 9, arrêt station Robespierre (sortie Barbès)
Exposition réalisée par le Département de la Seine-Saint-Denis, le 116, Centre d’art contemporain de la Ville de Montreuil.
Découvrez l’exposition et l’actualité de la Collection départementale d’art contemporain
sur http://artsvisuels.seine-saint-denis.fr
www.montreuil.fr www.seine-saint-denis.fr